Sans avoir d’idées préconçues, je ne partais pas dans le meilleur esprit en commençant Le bûcher de Moorea. Après tout, je suis plutôt dans le polar urbain et j’ai quelques réserves sur le roman « exotique » même s’il devient ici « noir azur ». Ce que me confirmèrent les premières lignes, dignes d’un prospectus touristique ou d’un roman sentimental : « Le ciel commençait à peine à regrouper ses étoiles. Au loin, plus bas, là où se tissent les amours lascives, la terre piquetée de splendides cocotiers à la chevelure verte tendait les bras à l’océan. »
Et puis je suis rentré dans ce roman, intéressé par cette histoire complexe de corps mutilés offerts au bûcher et de sérial killer en recherche d’identité. La double intrigue est certes complexe (quoique assez prévisible pour une de ses composantes) mais Patrick Guirao sait raconter une histoire et mène sa pirogue avec talent. Chose pas si courante aujourd’hui, les personnages sont bien cernés et explorés dans leur complexité. J’ai un peu peiné vers la fin (j’ai du mal à quitter les villes) mais Le bûcher de Moorea est une bonne lecture avec du « bon exotisme » et ce mélange réussi de rationalité, de superstitions et de magie que je retrouve dans les romans policiers africains que je chronique régulièrement. Enfin, j’aime bien l’idée de donner des titres aux chapitres, une pratique rarement utilisée aujourd’hui.
Patrick Guirao annonce en fin de volume une prochaine enquête de Lilith Tereia et propose un « Petit manifeste élargi du polar ‘noir azur’ ». Bonne initiative, le polar ultramarin francophone n’ayant pas beaucoup de représentants (signalons ici J’ai toujours aimé la nuit de Patrick Chamoiseau).