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Kamil Rahman, policier indien de Calcutta en disgrâce devenu serveur dans un restaurant de Brick Lane à Londres, se trouve mêlé à une affaire qui pourrait bien changer sa vie... pour le meilleur ou pour le pire. Car le soir où il assure le service au cours d’une fête extravagante donnée pour l’anniversaire d’un puissant et richissime ami de son patron, la paix de sa nouvelle vie simple est brisée : l'événement est un succès, la nourriture est délicieuse, mais à la fin de la soirée, l'hôte, Rakesh, est retrouvé mort dans sa piscine.

Même si nombreux sont ceux qui pouvaient en vouloir au riche homme d’affaires, les soupçons de la police se portent sur Neha, sa jeune et séduisante épouse. Kamil décide alors de mener sa propre enquête avec l'aide de la fille de son patron, Anjoli. Le duo ne fonctionne pas trop mal, mais, à mesure que l'enquête progresse et que leur complicité se développe, Kamil a du mal à garder à distance les souvenirs de l'affaire qui a détruit sa carrière à Calcutta. Il ne sait pas que son passé va bientôt le rattraper…

Écrit à la première personne par Kamil, Le serveur de Brick Lane décrit deux enquêtes en alternance : celle que le jeune homme mène discrètement à Londres dans un quartier célèbre pour ses restaurants indiens et ses boutiques vintage, et celle qui lui a valu de graves déboires dans son pays et l’a conduit à se réfugier en Angleterre. Et bien sûr, les deux moitiés de l'histoire et des chronologies (Calcutta/Londres) s’avèrent être liées.

Enfin, je pousse un soupir de soulagement : les derniers clients nous quittent. Probablement pour aller tromper la pluie dans des boutiques vintage des alentours où l’on peut essayer des vêtements ayant appartenu à des morts et s’extatiser devant des vieux vinyles. (2021 : 110)

On peut s’intéresser à cette double intrigue qui même réflexion et action et être séduit par les descriptions de la vie au sein de la communauté bengali de Brick Lane et de Calcutta. Les milieux financiers et politiques qui régissent l’Inde sont décrits sans complaisance, tout comme les coutumes (les mariages arrangés) et les interdits (l’homosexualité) qui régissent les relations familiales.

Ils ont toujours voulu que je sorte avec un Indien. Ma mère harcelle les chasseuses de têtes du monde entier, soupire-t-elle. Parfois j’ai l’impression d’être chez moi nulle part. Où que j’aille je suis toujours un peu étrangère. Bien sûr, je me sens indienne. J’adore la cuisine, la musique indienne, les films hollywoodiens ultra kitchs, mais, souvent, j’ai l’impression que mon identité indienne est… Je ne sais pas, comme un sari que je mettrais par-dessus mon jean ? -2021 : 201-202)

Mais, franchement, en tant que thriller, cela ne va pas très loin : l’alternance des lieux et des scènes est parfois lassant, le rythme lent et la prose terre-à-terre. De plus, Kamil, tout sympathique et enthousiaste qu’il soit, est un piètre détective, comme il a été un piètre policier : il égare des pièces à conviction ou ne prend guère de précautions en les manipulant. Ce qui conduit à un manque total de réalisme, quand la police anglaise par exemple fait peu de cas de sa contamination de la scène de crime et de la destruction de preuves ! Il n’est donc pas surprenant que les détours alambiqués que prend Kamil pour arranger les choses au mieux, au mépris de la loi la plus élémentaire, ne soulèvent aucune objection de la part de l’inspectrice en charge de l’enquête officielle.

In fine, ce roman assez compliqué est peu crédible, surtout quand le sens de la famille l’emporte sur la légalité. A moins que Kamil ne se voit comme un Maigret (r)accommodant les destins. Au vu d’une fin laissant en suspens la conclusion de l’affaire de Calcutta et le châtiment des coupables et ouverte l’évolution de la relation entre Kamil et Anjoli, il est évident que Le serveur de Brick Lane aura une suite. Il n’est toutefois par certains que les lecteurs se précipitent pour suivre une nouvelle enquête de ce nouveau duo de détectives amateurs.

Merci à Bepolar et aux édition Lina Levi de m’avoir fait parvenir ce roman.

Ajay Chowdhury, Le serveur de Brick Lane, (c) Liana Levi / Le vivre de poche, 2021.

Tag(s) : #Londres, #Détectives, #Inde
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