Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Après La mariée nue, la nouvelle enquête du duo de flics Didier Rebeyrol et Éric Paulin les conduit à Eymet, une charmante petite ville du Périgord pourpre où un homme a été retrouvé noyé dans la piscine d’un agent immobilier. Celui-ci avait une liaison avec la femme de la victime et le couple a disparu. Certes, Serge Darros était du genre mauvais coucheur, ivrogne et familier des violences conjugales et personne ne semble le regretter, mais cela fait pas mal de gens qui pouvaient lui en vouloir et quelques suspects potentiels.

Le meurtre de Darros coïncide avec le retour au pays, après trente ans d’errance, de Sam, appelé au chevet de sa mère mourante. Aujourd’hui quinquagénaire, celui-ci se pose pas mal de questions sur son passé et voudrait surtout savoir pourquoi sa famille l’a éloigné d’Eymet à la suite d’un grave accident de moto qui a coûté la vie à sa petite amie et lui a laissé de sérieux trous de mémoire.

Les chapitres alternent l’enquête sur le mort de la piscine et les rencontres avec ses anciens copains d’un Sam bien conscient des risques qu’il prend : « Ne reviens jamais sur tes pas. Ils vont réveiller les démons sur ton passage. Si tu te retournes, ils te dévoreront. » Pour ce qui est de l’enquête, Patrick Marty s’attache davantage à décrire la personnalité de ceux qui constituent les forces vives du commissariat de Bergerac que les recherches dont ils ont la charge. Les investigations de procédure, malgré la présence sur place d’une spécialiste de la police scientifique, restent ainsi un peu à la marge. Ce parti-pris de l’auteur omniscient surprend, mais on peut considérer que nous avons un roman dans le roman avec ces histoires de flics, toutes et tous bien cernés. Leurs peurs et leurs hésitations, tout comme leurs états d’âme et leurs relations familiales parfois conflictuelles, longuement détaillées, sont crédibles. Même si l’on sourit parfois quand la commandante Daubigny doit gérer des troupes qui se conduisent comme des adolescents attardés.

Cela étant, après ces longs développements, les derniers chapitres ramènent le lecteur à l’enquête et aux révélations qu’il attendait, en particulier sur les événements qui ont précédé le départ de Sam trente ans auparavant. Cela sera l’objet d’une confrontation tendue entre les anciens amis de jeunesse autour d’un somptueux diner au Château pourpre : entre un final digne d’Agatha Christie et la confrontation qui clôt L’affaire Saint-Fiacre. Quant à l’enquête sur le noyé d’Eymet, on peut regretter que des éléments précisant le rôle de deux personnages brièvement apparus dans le roman, un énigmatique moine bouddhiste et une belle et mystérieuse Chinoise à la solde d’investisseurs potentiels dans le Sud-Ouest, arrivent un peu tard, et comme tombés du ciel, pour rendre le dénouement tout à fait convaincant.

Mais Le château pourpre est d’une lecture agréable et on se laisse prendre par ce qui est tout autant une chronique du terroir qu’un roman policier. Le roman se situe ainsi dans la catégorie du polar rural, un sous-genre du roman policier dans lequel se sont illustrés d'excellents  auteurs, en France (Franck Bouysse, Sandrine Collette, Benoit Minville...) comme aux USA (Jim Thomson, James Lee Burke...), et qui a fait l’objet de l’exposition « Roman noir et ruralité(s) » début 2021 à la BILIPO de Paris.

Cela ne veut pas dire que le roman de Patrick Marty se réduise à une banale vitrine touristique sur une région, ses beautés et ses spécialités gastronomiques. En plus de l’histoire douloureuse que raconte Le château pourpre, on est séduit par le bonheur qu’ont les protagonistes à vivre dans un environnement de qualité, que ce soit Rebeyrol, capitaine de police et exploitant viticole (ce qui explique que les vendanges proches l’obsèdent parfois plus que l’enquête) ou son collègue Paulin, Parisien converti au charme des vieilles maisons à retaper et des pontons sur la Dordogne. Un ancrage qui ne séduit pourtant pas Sam, qui, enfin instruit sur son passé, laissera Eymet à ses anciens copains, à leurs souvenirs et, pour certains, à leurs rancœurs.

Tag(s) : #Polar rural, #Policiers, #Maigret
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :