Après Le monde d’en bas, que j’avais bien aimé à sa parution, Alain Bron remonte à la surface, ce qui ne veut pas dire que le microcosme qu’il décrit dans Toutes ces nuits d’absence soit exempt de rats et de cloportes! Bref, Jacques Perrot, écrivain tranquille et plus ou moins reconnu, retrouve par hasard une vieille photographie qui lui rappelle ses jeunes années et un événement tragique survenu plus de quarante ans auparavant, le viol et l’assassinat de sa petite amie. Pas très satisfait des conclusions de l’enquête d’alors, il quitte le quartier des Batignolles pour Troyes. Il y retrouvera quelques souvenirs (dont un certain vélo jaune), des personnages pas très recommandables et une réalité politique locale qu’il pensait loin derrière lui.
Pas très sympathique en effet la réalité locale. Entre riches bonnetiers (certains nostalgiques du régime de Vichy) abrités derrière leur notabilité et groupuscules d’extrême droite, les choses ne sont pas faciles à démêler. Dans cette société fermée, personne ne souhaite vraiment s’exprimer et d'aucuns ne verraient même que des avantages à ce que cette nouvelle enquête n’aboutisse pas. Quitte à employer des méthodes très radicales.
Jacques blêmit. « Tonnerre ! Pourquoi pas moi ? Pourquoi la police ne m’a-t-elle jamais interrogé ? Ni ce jour là, ni après, je n’ai été convoqué pour témoigner. Etrange, vraiment étrange. J’aurais pu… Non, réflexion faite, je n’aurais pas pu apporter d’éléments, à part dire que j’étais amoureux de Brigitte, qui n’aurait pas été très utile à la justice. »
Toutes ces nuits d’absence est un bon polar classique dans lequel je n'ai retrouvé toutefois ni l'originalité ni l'inventivité du précèdent opus d’Alain Bron cité plus haut. Mais c’est un roman que l’on lit avec plaisir : l’intrigue tient la route et l'atmosphère assez étouffante de Troyes (ses andouillettes, ses filatures, ses andouillettes...) est bien rendue. Jacques Perrot est entouré de personnages secondaires crédibles, même si l’on peut trouver l’opposition entre les « bons » et les « méchants » un peu manichéenne. Une bonne plongée dans la province avec ses notables locaux et leurs magouilles, plus quelques squelettes dans les placards.