Lasses d'attendre à Oxford un bus pour le village voisin de Woodstock, deux jeunes filles décident de faire du stop. Plus tard dans la soirée, l'une d'elles, Sylvia Kaye, est retrouvée assassinée et apparemment agressée sexuellement sur le parking du Black Prince, un pub local. Les soupçons de portent essentiellement sur John Sanders, un jeune homme qui payait parfois Sylvia pour avoir des relations sexuelles et qui a découvert le corps. Il admet l'avoir attendue le soir de son meurtre mais l'a trouvée morte…
Le dernier bus pour Woodstock (Last bus to Woodstock) est la première des treize enquêtes de l’inspecteur Morse. Elle plante un décor qui deviendra vite familier au lecteur - Oxford, son université et ses environs - et introduit les personnages récurrents que sont, outre Morse, le sergent Lewis, l’agent Dickson, le chief-superintendant Strange, le légiste, etc. Certaines habitudes et manies de l’inspecteur sont également décrites : les pubs, les mots-croisés du Times, les références poétiques, Wagner, l’attention quasi obsessionnelle portée à la syntaxe et à la grammaire… D’autres suivront puisque Morse évolue au fil des romans et que, comme ses collègues John Rébus (Ian Rankin) ou Kurt Wallander (Henning Mankell), il vieillit. A l’inverse de Maigret, dont la vie et la carrière se déroulent au gré de l’imagination et de l'humeur de Georges Simenon, sans souci de continuité temporelle.
Un meurtre est chose hideuse, abominable à voir, et l’ennui avec un meurtre est qu’il anéantit généralement le seul témoin fiable du crime, la victime. Cela signifie que nous sommes contraints de recourir à d’autres témoins, des gens généralement très banals pour la plupart, qui, par hasard, ont été impliqués à un moment donné dans la misérable affaire.
L’enquête est classique, fondée sur un travail de proximité qui semble aujourd'hui un peu dépassé - le roman est de 1975, pas de recherche d’ADN, pas de téléphones portables - , l’analyse et la réflexion. Le dénouement est impeccable quoique complexe : nous sommes encore dans le whodunit cher au polar anglais comme le montre la longue explication de Morse à Lewis dans les dernières pages. Mais le roman policier d’atmosphère pointe avec un portrait par touches de Morse, un célibataire anglais de la classe moyenne supérieure qui se fournit chez Marks and Spencer, aime boire une pinte au pub, parie sur les matchs de football et sait tomber amoureux. A cela s'ajoute des considérations sur la société oxonienne et ses intellectuels brillants et établis mais pas toujours chiches d’expériences extraconjugales avec de jeunes employées de bureau peu farouches. Milieu qui deviendra vite familier aux lecteurs de Colin Dexter.