12 rue Meckert n’est peut-être pas le meilleur polar de Didier Daeninckx mais c’est un livre attachant qui mêle une enquête en milieu urbain et des réflexions sur la société française contemporaine. C’est aussi l’entrée en scène de Maxime Lisbonne, journaliste de faits divers (les « chiens écrasés ») et enquêteur privé à ses heures, et de sa compagne Eléonore, agent immobilier pleine d’imagination qui sait manier avec talent le souvenir historique supposément lié aux appartements qu’elle propose, parvenant ainsi à placer à un psychanalyste un bien réputé invendable où Freud aurait passé quelques heures en juin 1938 sur le chemin de Londres. Une occasion de promenade dans dans Paris entre réalité et un imaginaire déjà annoncé par le titre puisque il n’y a pas de rue Meckert dans la capitale (mais Jean Meckert, dit Jean Amila, est lui bien connu des lecteurs de la Série noire).
Si l’on excepte des incursions en province pour les besoins d’une enquête inspirée pour une part de l’affaire des disparues de l’Yonne et pour une autre de magouilles politicardes dont Daeninckx est friand, nous voici dans Paris, souvent dans les arrondissements du nord-est. On découvrira ainsi la Maroquinerie, salle de concerts de Ménilmontant ou la Bellevilloise voisine, ancienne coopérative ouvrière et Maison du Peuple, haut lieu des luttes syndicales et politiques, comme en témoigne toujours la façade. Ou encore l’habitat populaire de la rue Ordener, le métro aérien près du bassin de la Villette, les faisceaux de voies ferrées sous la rue Riquet.
Quand enquête, démarchages et visites leur en laissent le temps, Maxime et Eléonore aiment se surprendre l'un l'autre en se faisant découvrir des restaurants plutôt gastronomiques et des hôtels de toutes catégories où abriter leurs étreintes. Ces divagations sont l’occasion d’évoquer le fantôme de l’homonyme de Maxime, colonel communard unijambiste ami de Louise Michel qui inventa en 1894 ce qui est considéré comme le premier strip-tease, Le coucher d’Yvette. Personnage haut en couleurs dont Didier Daeninckx a tracé le portrait dans Le banquet des affamés (2012).
"Nous habitions chacun de notre côté et partagions les nuits qui nous rassemblaient dans un lieu chaque fois différent, depuis le palace jusqu'au boui-boui. [...] Je n'ai pas été long à comprendre qu'elle avait surtout besoin de se raconter des histoires, de bâtir des scénarios, et que le simple fait de demander ingénument à l'accueil si " la baignoire était assez grande pour deux" la faisait monter d'un cran vers l'extase." Didier Daeninckx - 12, rue Meckert © Gallimard (Folio policier) 2001