Les éditions 10-18 ont fait le choix de proposer de nombreux romans policiers historiques dans la collection Grands Détectives qui nous a fait découvrir depuis plusieurs années quelques pépites. Le problème, c’est que ces polars historiques sont de qualité assez inégale et que tout le monde n'est pas Ellis Peters ou Robert Van Gulik.
J’en reviens au dernier ouvrage de Viviane Moore, Les gardiens de la lagune. Certes ce n’est pas un mauvais roman et il se lit jusqu’à la fin, ce qui est en général (du moins pour moi) plutôt bon signe. L’intrigue n’est pas mal menée même si l’on découvre assez vite qu’une sombre histoire de jalousie et de vengeance familiales se cache derrière le crime du Rialto. L’enquête du chevalier de Tarse est elle aussi assez convaincante, entre interrogatoires et observations qui pourraient presque apparaître comme scientifiques (notre homme est également médecin). De là à dire que que c’est un page-turner !
Le problème, c’est que tout cela est terriblement convenu. Le personnage principal et son épouse sont beaux, intelligents, séduisants, issus des meilleures familles, leurs enfants adorables, leurs serviteurs dévoués ; le doge est tout à sa fonction, sévère mais juste ; ceux qui l’entourent, victimes ou non, sont emplis de bonté et de résignation… Quant à la victime, sa vie dissolue la rendait indéfendable et ce n’est pas trahir l’intrigue de dire que sa mort ne chagrine pas grand monde. Bref tous les personnages sont « plats », au sens où E.M. Forster l’entendait dans « Aspects of the novel » où il les opposait aux personnages « ronds », plus complexes et susceptibles d’évoluer au fil d’un roman.
Bref Les gardiens de la lagune est un roman sans grande consistance ni épaisseur. Les fervents d’ambiance historique y trouveront toutefois leur compte (l’auteure ne lésine ni sur les détails ni sur l’exotisme) et sauront gré à Viviane Moore de leur faire découvrir une Venise médiévale qui est loin de leur être familière. On signalera ici le travail de recherche effectué pour la rédaction de ce roman, que complète un court appareil critique bienvenu. Mais l’amateur de roman policier reste sur sa faim.
Les gondoliers, messire, ce sont eux, les gardiens de la lagune. Le mouvement incessant de leurs rames maintient la créature dans les eaux profondes. Comme un filet à travers duquel elle ne peut se glisser.
Tomà se tut puis finit par ajouter :
- Tant qu'il y aura des gondoliers, nous autres, Vénitiens, nous survivrons.