Comme celles de son épouse Paola, les origines vénitiennes du commissaire Guido Brunetti remontent à plusieurs générations, en moins aristocratiques toutefois. Sa connaissance de la ville le rend donc très à l’aise pour circuler entre quais et ruelles, en période sèche ou quand les hautes eaux (acqua alta) de l’hiver l’obligent à choisir soigneusement ses itinéraires et à se chausser de bottes en caoutchouc. S’il aime profondément Venise, qu’il contemple de son bureau de la questure face à San Lazaro ou depuis la terrasse de son appartement, le commissaire est bien attristé de voir ce que les foules touristiques en ont fait. Il n’est donc pas surprenant qu’il préfère la parcourir la nuit, quand les visiteurs ont déserté les échoppes proposant des masques de Carnaval made in China et regagné leurs hôtels de Mestre, cité-dortoir qui a contribué à faire de Venise un musée en plein air vidé de ses habitants.
Les enquêtes policières imaginées par Donna Leon, qui a longtemps habité Venise, conduisent Brunetti à fréquenter des lieux emblématiques comme le théâtre de la Fenice ou quelques palais à la splendeur passée, mais aussi des quartiers plus populaires tels que les environs de l’Arsenal (Castello) ou le Ghetto. A son rythme, plus souvent à pied qu’en vaporetto - Venise est une ville où l’on marche énormément - il débrouille crimes et embrouilles, sans jamais se lasser de la beauté de La Sérénissime, conscient toutefois de sa fragilité. Au point de se demander ce qui qui noiera Venise en premier, les eaux, les flux de touristes ou la paperasserie administrative.
Brunetti se décida à marcher, ayant besoin de sentir cette liberté que l’on éprouve à suivre, dans une ville, un itinéraire bien connu.