Michèle Rowe situe Les enfants du Cap (What hidden lies) en 2007 (d'après la référence à la comète McNaught, visible cette année là dans l’hémisphère sud), soit 16 ans après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud et 12 ans après la création par Nelson Mandela de la Commission Vérité et Réconciliation. Le temps a passé mais la Nation arc-en-ciel a bien du mal à se recomposer et les tensions raciales peinent à s’apaiser.
Persy Jonas, femme-flic métisse, devra donc prendre beaucoup sur elle pour accepter qu’une psychologue criminelle blanche, plutôt abrupte, l’aide à élucider le meurtre d'un marginal, sur fond de trafics, de corruption et de projets immobiliers douteux. Une investigation qui la mènera des quartiers résidentiels, Noordhoek et sa plage, aux townships - Ocean view au nom trompeur - de la péninsule du Cap. Elle y rencontrera des adolescents perturbés, des voyous, quelques rastas, des bobos blancs plus préoccupés de protection de l'environnement que de questions sociales et une population noire qu'elle connait bien.
« Avec le Group Areas Act, l’apartheid avait trouvé un procédé ingénieux pour faire en sorte que les coins les plus attractifs restent blancs comme neige, en reléguant les Noirs, les métis et les Indiens dans des zones jonchées de sable ou les marécages, des terres poussiéreuses et battues par les vents. Dans des cités-dortoirs peuplées de travailleurs qui se rendaient le jour dans les zones blanches puis renteraient dans leurs trous à rats le soir. Les choses n’avaient pas beaucoup changé, même si la loi avait été abolie plus de vingt ans auparavant. « Michèle Rowe - Les enfants du Cap © Albin Michel 2016
Scénariste, militante anti-apartheid au sein des Free Film Makers, épouse de Warrick Sony, leader des Kalahari Surfers, Michèle Rowe est arrivée en 2013 sur la scène du polar sud-africain. Elle livre un roman dense et complexe qui, au-delà de l’enquête, pose la question des tensions sociales et raciales, de la violence à laquelle sont confrontés les Sud-africains mais aussi les travailleurs clandestins venus des pays voisins et surtout de la délinquance et de la criminalité endémiques que connait l'Afrique du Sud et la région du Cap en particulier.
« Un vent chaud s’engouffrait par les vitres baissées du Nissan et soulevait la poussière et les détritus jonchant Kommetjie Road, une route emblématique des contradictions de l’apartheid, avec son township et sa banlieue résidentielles qui se faisaient face de part et d’autre. » Michèle Rowe - Les enfants du Cap © Albin Michel 2016
Sur fond d’un postapartheid qui n’est peut-être finalement qu’un apartheid à l’envers - « Marge avait beau savoir qu’elle était en train de retomber dans ses préjugés héréditaires, elle était trop énervée pour s’en vouloir. Comment cette petite dinde avait pu entrer dans la police ? Certainement en faisant jouer des appuis politiques, comme d’habitude. » - Les enfants du Cap, roman policier mais aussi témoignage, s’inscrit dans la lignée des œuvres de James McClure, Wessel Ebersohn ou Deon Meyer.
Confrontées à la réalité sociale et raciale de l’Afrique du Sud d'aujourd’hui, les deux enquêtrices que tout oppose (couleur de la peau, origines sociales, méthodes de travail…) forment un duo convaincant. Les enfants du Cap pourrait bien être le premier volet d'une série prometteuse comme le laisse penser le sous-titre Une enquête de Persy Jonas.