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L’homme du banc ou la double vie, un thème sur lequel Simenon reviendra dans Maigret et le clochard, Maigret et l’homme tout seul ou Maigret et Monsieur Charles. Qui était vraiment Louis Thouret, dit M. Louis, magasinier rue de Bondy, domicilié à Juvisy, tué d'un coup de couteau près du boulevard Saint-Martin ? Qui le connaissait : « Vous savez, ces gens qu’on rencontre tous les jours et auxquels on ne fait pas attention. » ? Pourquoi se rendait-il à son travail tous les matins alors que la maison qui l’employait avait fermé trois ans auparavant ? A quoi occupait-il ses journées et, surtout, comment trouvait-il l’argent qu’il rapportait régulièrement chez lui ?

 

L’intrigue débute par un événement somme toute banal, un homme bien ordinaire est assassiné alors que rien ne le destinait à une telle fin : pas d’activité louche, pas d’ennemi déclaré, personne à qui le crime pourrait profiter… Et pourquoi M. Louis portait-il des souliers jaunes alors qu’il quittait chaque matin son pavillon portant des chaussures noires ? C’est en explorant intimement une de ces vies apparemment si ordinaires qui fascinent Simenon que Maigret parviendra la vérité.   

- Vous ne l’aimiez pas beaucoup ?
- C’était un pauvre type
- Qu’est-ce-que vous appelez un pauvre type ?
- Il ne faisait rien pour que ça change.
- Quoi ?
- Tout.

Georges Simenon - Maigret et l’homme du banc © Omnibus

L’homme du banc est l’histoire d’un homme à la vie bien réglée (train de banlieue, boulot monotone, univers pavillonnaire), contrôlé par une femme qui le méprise (il n’est pas fonctionnaire comme ses beaux-frères) et s’assure chaque matin qu’il n’a que la somme strictement nécessaire à ses dépenses quotidiennes dans son portefeuille. Et, le jour où il perd son travail, cet homme décide de n’en rien dire à sa famille et de continuer à vivre comme si rien n’avait changé. Après tout, Louis Thouret a surnagé jusque là, alors pourquoi ne pas continuer, autrement ?

 

L’absurdité de la situation vient de ce que cet « autrement », en dépit d’un glissement vers une activité professionnelle plutôt condamnable et de quelques transgressions vestimentaires bien innocentes, ne va guère changer l’existence de Thouret : une vie monotone, une amie (maîtresse?) au physique proche de celui de l’épouse légitime (mais au caractère fort heureusement différent), un environnement sans fantaisie. Car, que ce soit dans le pavillon de Juvisy (vie nocturne) ou dans la chambre de la rue d’Angoulême (vie diurne) tous les efforts de Thouret ne parviennent pas à l’arracher à la grisaille et à la routine quotidiennes.  

Au fond, pour Mme Thouret, c’était un déshonneur de se faire assassiner dans une impasse du boulevard Saint-Martin. Elle avait organisé sa vie, non seulement la sienne mais celle de sa famille, et cette mort là n’entrait pas dans le cadre qu’elle s’était fixé. Surtout avec un cadavre qui portait des souliers jeunes et une cravate presque rouge.

Georges Simenon - Maigret et l’homme du banc © Omnibus

Roman d’une double vie ratée, L’homme du banc traite d’un homme qui aura toujours été victime de ses proches – sa femme et sa famille, sa fille et son amant – et que les hasards de la vie auront amené à vouloir croire à d’autres possibles. Sans jamais oser franchir vraiment le pas. Une des nouvelles de Simenon s’intitule On ne tue pas les pauvres types ; ce roman de l’échec vient prouver le contraire.

Tag(s) : #Maigret, #Paris, #Policiers
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