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L’écluse n°1, c’est l’histoire de la vie ratée d’un simple marinier devenu armateur, que ni la réussite sociale ni la fortune n’auront satisfait. Emile Ducrau, dur en affaires, cynique, n’aura finalement pas su maîtriser sa double vie, comme tant d'autres héros ou antihéros de Simenon (L’homme du banc, Maigret et le clochard…).
A partir d’une intrigue simple - une tentative de meurtre, puis un meurtre - le roman se déroule dans le monde des péniches et des mariniers (Le charretier de la Providence, Chez les Flamands…). Le lire permet une promenade de Paris à Charenton-le-Pont puis à Samois-sur-Seine, au fil du fleuve et des écluses. On cherchera toutefois en vain l’écluse n° 1 sur ce qui était jusqu'à 1950 le canal de Saint-Maurice et la dernière dérivation de la Marne. Ce qui fut un lieu apprécié des promeneurs et des pêcheurs est depuis longtemps recouvert par une voie rapide.
En dépit de la beauté des lieux et des villas cossues des bords de Seine nichées dans la verdure, on ressent à la lecture de L’écluse n°1, qui est à mon avis l’un des romans les plus noirs de Simenon, une profonde tristesse, le sentiment de l’immense gâchis d’une vie étriquée que la réussite n’aura changé en rien : l’épouse de Ducrau se dessèche, sa maîtresse se complaît dans une vie terne de petite-bourgeoise, ses enfants ne le comprennent pas ou ne pensent qu’à s’approprier sa fortune. Emile Ducrau, tellement conforme à ce qu’écrit Emmanuel Carrère : « … Flaubert, avec Simenon, tous ces grands peintres du morne, de l’élan retombé, du couvercle rabattu sur la tête des héros dès qu’ils essaient de vivre ! »
Malgré une intrigue et des personnages parfaitement cernés et définis et l’évocation saisissante du monde des canaux et des mariniers que Simenon affectionnait, L’écluse n°1 laisse parfois le lecteur perplexe. Peut-être parce que bien que le roman soit le 18ème Maigret dans l’ordre d’écriture, on sent que Simenon cherche encore les traits et les caractéristiques du Commissaire, qu'il situe à quelques jours de la retraite. Pourtant, plus d’une cinquantaine d’enquêtes de Maigret suivront, à des moments divers de sa vie et de sa carrière. Simenon et la chronologie…
Vous avez vu ce navet ? Il y en a d’autres en bas et au second, tous bien habillés, honnêtes, ce qu’on appelle travailleurs. Remarquez qu’à l’instant même M. Jaspar se demande avec angoisse ce qu’il a pu faire pour me déplaire. La dactylo va raconter l’incident dans toute la maison et ils en ont pour dix jours à le sucer comme un bonbon. Parce que je leur donne le titre de directeur, ils s’imaginent de bonne foi qu’ils dirigent quelque chose ! Un cigare ?