Venu de l’Allier à Paris en passant par Nantes, Jules Maigret s’est peu à peu imprégné d'une ville qu’il a commencé à parcourir comme simple agent de police. Ayant gravi tous les échelons jusqu’à être pressenti pour être Directeur de la Police judiciaire, il a connu pratiquement tous les services de la police judiciaire, voie publique, garnis, mœurs, brigade criminelle… Sa connaissance de la capitale (63 romans sur 75 s’y déroulent) est profonde, intime, jouissive, jalonnée de lieux familiers. Entre son domicile du boulevard Richard Lenoir et le quai des Orfèvres, ses enquêtes le mènent dans tous les quartiers, bourgeois ou ouvriers, riches ou pauvres, paisibles ou pris dans l’agitation nocturne. Paris est donc bien, selon Maurice Piron, le second personnage de Simenon.
Dédaignant le métro, trop clos, Maigret se déplace en surface, en autobus - où la plate-forme lui permettra longtemps de fumer sa pipe -, en voiture - d’où il peut observer à loisir l’environnement car il ne conduit pas-, souvent à pied. Il s'emplit ainsi de la ville, considérée comme un terrain d’aventures : quais de la Seine et canaux où le mènent plusieurs enquêtes (l’attrait de Simenon pour le monde des mariniers), bistrots et restaurants dont la récurrente Brasserie Dauphine (qui n'existe pas), Montparnasse et son monde cosmopolite, Pigalle et ses cabarets.
"C’était bon de marcher sur le trottoir où les vélums des boutiques dessinaient des rectangles plus sombres, bon d’attendre l’autobus, à côté d’une jeune fille en robe claire, au coin du boulevard Voltaire. La chance était avec lui. Un vieil autobus à plate-forme s’arrêtait au bord du trottoir et il pouvait continuer à fumer sa pipe en regardant glisser le décor et les silhouettes des passants. " Georges Simenon – La patience de Maigret © Presses de la cité, 1965.
Sans a priori, plus intuitif que logique, Maigret peut rester des heures à s’imprégner d’une atmosphère, à sentir les choses. Certainement une des raisons qui explique que les romans policiers de Simenon fassent plus de place à l’observation et à la compréhension des gens - les vieillards, les braves gens, les mariniers, les riches, les pauvres… - qu’à la résolution stricto sensu de l’enquête ou à la découverte de l'identité du coupable. Ce qui fait dire à François Guérif que les Maigret peuvent être assimilés à du roman noir.
- Tout Maigret chez Omnibus (10 volumes)
- Simenon – Romans dans la Bibliothèque de la Pléiade (2 volumes)
- Michel Carly - Maigret, Traversées de Paris (Omnibus)